En 1921 était mis à l’eau le « Claudius Magnin », minéralier (cargo) de 3300 tonnes de 88,70 m de long, 12,5 m de large, et 7,20 m de haut, armé par les Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt, Saint-Chamond (Loire). Ce navire évoquait le nom d’un grand patron, ancien élève de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne décédé le 16 décembre 1916. Le navire fut ensuite saisi en juillet 1940 en Grande-Bretagne (Forces navales françaises libres).
Brève biographie
Claude Charles Auguste Magnin, dit Claudius Magnin, est né le 6 mars 1840 à Voiron (Isère). Il entre à l’École des mineurs de Saint-Étienne en 1859. Malade, il ne peut finir l’année scolaire qu’il recommence et réussit en 1860-1861. Au cours de la seconde année, il ne passe que le premier et troisième examen partiel, toujours pour cause de maladie. Il démissionne. Il est répertorié dans les annuaires des anciens élèves de l’Ecole.
Cet élève décrit par ses professeurs comme très timide, à l’intelligence ordinaire, se révèle comme un très bon ingénieur métallurgiste, en créant divers procédés d’alliages métalliques pour la fabrication du matériel de guerre. Il participe à de nombreuses expositions et reçoit le grand prix de l’exposition de Londres. Il est fait officier d’académie le 23 mars 1901 et officier de la Légion d’honneur par décret du 15 mai 1910, sur demande du ministre du Commerce et de l’Industrie, décoration qu’il reçoit à Saint-Chamond le 3 juillet des mains d’Adrien Montgolfier-Verpilleux.
Il commence sa carrière comme ingénieur à la Compagnie des forges de Bessèges. En 1873, il est recruté par la Compagnie des Hauts-Fourneaux, Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de fer. Il y consacra toute sa vie. Il est chargé, de 1873 à 1882, de la direction des Hauts-Fourneaux de Givors.
L’usine des Forges de l’Adour, son troisième enfant.
Il fonde une aciérie de type Bessemer, à Boucau, près de Bayonne et de son port afin de recevoir les charbons anglais et les minerais espagnols (notamment grâce à deux bateaux à vapeur : le « Saint-Chamond » et le « Rive-de-Gier »). La construction commence en juin 1881. Les établissements sont bâtis sur près de 80 hectares de forêts de pins et de sable. Plus qu’une usine, c’est un village industriel qui est créé, car l’usine emploie 1 500 hommes. C’est d’ailleurs dans le cimetière communautaire qu’il a créé que Claudius Magnin sera enterré. Le mardi 22 mai 1883, à 3 heures et demie, le premier des quatre hauts-fourneaux est allumé en sa présence, lui qui sera directeur de l’usine (1883-1903). Le deuxième en août. Le 7 juillet 1884, l’usine est officiellement inaugurée. Les capacités de l’usine sont très importantes puisqu’elle produit 50 000 tonnes d’acier par an et près de 60 000 tonnes de fonte. 80 à 90 fours à coke sont nécessaires. Le produit de l’usine, qui effectue le laminage des rails, participe à la densification du réseau ferré de toute la France. L’usine est moderne et rentable.
Autre signe de succès, l’usine qui a envoyé des échantillons de son savoir-faire à l’exposition universelle reçoit un grand prix et son directeur est nommé Chevalier de la Légion d’honneur le 13 novembre 1889. L’usine reçoit également la visite du Président de la République Sadi Carnot le 23 mai 1891.
Un grand patron
En 1903, il devient sous-directeur général de la Compagnie des Hauts-Fourneaux, Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de Fer de Saint-Chamond. En avril, la société Vezin-Aulnoye, propriétaire de l’usine d’Homécourt (Meurthe-et-Moselle), est rachetée par sa compagnie, qui devient alors la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt. Laurent, directeur des Forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt, dit de lui: « Sans doute, avec le même esprit avisé, avec la même jeunesse de conception, il entrevoit la nécessité pour les intérêts vitaux de la Compagnie de créer une nouvelle usine dans l’Est et déjà âgé de plus de soixante ans, il n’hésite pas à assumer la lourde tâche de diriger la création et le développement de l’usine d’Homécourt. »
Claudius Magnin devient en 1908 directeur général de la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt, puis vice-président en 1911. Parallèlement, il est membre de la direction exécutive du Comité des Forges de France, vice-président honoraire de la Chambre syndicale des Fabricants et Constructeurs de Matériel de Guerre, président de la chambre syndicale des mines de fer de France de 1906 à 1913, membre du Comité de l’Union des industries et métiers de la métallurgie en 1911.
De plus, il dirige de nombreuses autres sociétés : Président de la Société des Mines d’Anderny-Chevillon, Vice-Président de la Société des Mines de Gouy-Servins, Vice-Président de la Compagnie française de Matériel de Chemins de fer, Administrateur de la Société des Mines de Beeringen, Administrateur de la Société normande de Métallurgie, Administrateur de la Compagnie des Hauts-Fourneaux et Fonderies de Givors.
Lors de ses obsèques, il est rappelé que « Partout où il se trouvait, dans les réunions où se rencontraient nos Collègues métallurgistes, dont il était le doyen, dans les nombreux conseils d’administration où il avait été appelé, il était écouté, respecté et aimé. »
Malgré cela, lorsque la guerre éclate, Laurent ajoute qu’« apparaît la nécessité, non seulement de reconstituer nos usines métallurgiques désorganisées par la mobilisation, mais encore de résoudre les problèmes les plus difficiles pour pousser leur production à l’extrême limite de leur capacité, pour créer de nouvelles fabrications. Monsieur Magnin est là, soutenant directeurs et ingénieurs de son expérience et de tout son dévouement, aussi jeune d’activité, de confiance inébranlable, de patriotisme éclairé que le plus jeune d’entre eux. Il donne à l’usine toutes ses forces ; il lui sacrifie sa vie. »
Fiche rédigée par Rémi Revillon (historien) et Hervé Jacquemin (EMSE)
Références
Le blog d’Adolphine : http://les.forges-de-l-adour.over-blog.fr