La naissance du Cartel des Mines
Au début des années 1960, les trois Écoles des Mines de Paris, Nancy, Saint-Étienne et l’École de Géologie de Nancy ont éprouvé le besoin de s’extraire de leur étroite chapelle, d’extirper tout esprit concurrentiel afin d’affirmer ensemble la qualité et la force de renouvellement de leur enseignement et combattre ainsi les critiques adressées déjà à l’encontre des grandes écoles d’ingénieurs.
D’où la naissance du « Cartel des Mines » qui s’est traduit en outre par plusieurs événements marquants.
D’abord un événement sportif. Du 13 au 16 mai 1961, les mineurs et géologues de Nancy ont accueilli leurs camarades des Mines de Paris et de Saint-Étienne. Cette rencontre avait un double caractère culturel et sportif. Après un colloque d’une demi-journée traitant du problème de l’enseignement, la suite fut consacrée aux épreuves sportives (basket, foot, volley-ball, hand-ball) dont l’École des Mines de Saint-Étienne est sortie victorieuse.
La Nuit Noire au Palais de Chaillot
Le deuxième événement fut, au printemps 1962, le samedi 26 mai, un gala organisé par les trois Écoles des Mines à Paris sous les lustres du Palais de Chaillot. Cette manifestation appelée « La Nuit Noire » fut grandiose. Son but était de permettre aux Anciens Élèves et Élèves de se rencontrer, d’affirmer la vitalité des trois Écoles et de confirmer les liens existant entre elles.
Placé sous le haut patronage du Président de la République Charles de Gaulle, ce gala s’est déroulé sous la présidence d’Alexandre Parodi, grand résistant et alors vice-président du Conseil d’État.
L’animation de la soirée était assurée par le chansonnier et humoriste Jean Valton qui faisait à l’époque les beaux jours du Caveau de la République. La première partie fut un spectacle très varié donné sur le plateau du TNP (Théâtre Nationale Populaire). D’abord de la chanson avec Anne Sylvestre dont le talent était alors en plein épanouissement. Elle avait reçu le prix de l’Académie de la chanson française en 1960 et en 1962 s’était produit à l’Olympia en première partie de Gilbert Bécaud. Puis ce fut le tour des danseurs étoile de l’Opéra de Paris, Claire Motte et Jean-Paul Adrani, qui interprétèrent le Pas de deux de « Don Quichotte », accompagnés par l’orchestre de l’Opéra. Ensuite s’enchaînèrent variétés avec les quatre Barbus et les Machucambos, et à nouveau danse classique avec Jacqueline Rayet, danseuse étoile, et Lucien Dutholt, premier danseur de l’Opéra, dans « Daphnis et Chloé » de Maurice Ravel.
Après un tel spectacle, une réception était donnée pour remercier les personnalités présentes : directeurs des Écoles, professeurs, présidents des associations d’anciens élèves. La soirée s’est poursuivie jusqu’à l’aube par des bals qui se déroulaient dans différentes salles du Palais de Chaillot.
Près de cinq cents anciens de Saint-Étienne ont assisté à ce gala venant des quatre coins de la France mais aussi de l’Europe. Nombre d’élèves stéphanois avaient revêtu leur uniforme rivalisant ainsi avec des élèves des écoles des mines d’Aix-la-Chapelle (Allemagne) et de Leoben (Autriche) invités à cette soirée et qui étaient aussi très fiers du leur.
1963, une deuxième édition
Le succès retentissant de cette manifestation incita les associations d’élèves à réinvestir à nouveau l’année suivante le Palais de Chaillot. Une nouvelle Nuit Noire eut donc lieu le 18 mai 1963.
L’éditorial des quatre Présidents des Elèves était concis et direct :
« Voici que la Nuit Noire pour la deuxième fois consécutive réunit à Paris les Anciens Elèves et les Elèves des trois Écoles des Mines de Paris, Saint-Étienne et Nancy, auxquels se sont joints aujourd’hui ceux de l’École de Géologie de Nancy.
Puisse le spectacle, très varié cette année, vous satisfaire et préparer des rencontres d’amis anciens ou à venir au cabaret et autour des salles de danse. Nous désirerions que cette manifestation permette ce qui est très difficile en d’autres temps et d’autres lieux, une rencontre sans préjugés entre deux générations, une redécouverte mutuelles des jeunes et des moins jeunes de nos quatre Écoles. Ce serait certainement notre meilleure récompense. »
Le spectacle proposé sur la scène du TNP en 1963, présenté et animé par Suzanne Gabriello, fut beaucoup moins classique que celui de l’année précédente. Mais laissons parler Daniel Fargeat, élève de 2° année de Paris, qui a organisé le programme :
« La plupart des artistes que vous verrez vous sont encore inconnus. Bien sûr, la réputation des Frères Jacques n’est plus à faire … Ils représentent une valeur sûre et il ne fait aucun doute que vous soyez heureux de les retrouver sur cette scène de Chaillot. Mais en Première Partie paraîtront devant vous des jeunes qui ont pour nom Romain Bouteille, Elek Bacsik, Micheline Caron, Maurice Fanon, Guy Bedos, Pierre Richard et Victor Lanoux. Nous croyons à leur talent…
Lorsque bientôt sans doute ils auront atteint la notoriété, vous vous souviendrez de les avoir applaudis à cette Nuit Noire 63 et nous saurons alors si nous avons été de bons prophètes. »
Ces jeunes artistes qui se sont produits ce soir-là sur la scène du TNP ont tous eu une carrière brillante. Si certains à l’heure du Bicentenaire sont malheureusement décédés, trois parmi eux, Guy Bedos, Victor Lanoux et Pierre Richard, grâce à leur talent continuent toujours à être des icônes incontournables dans le monde des variétés, du cinéma ou de la télévision. Les organisateurs de la Nuit Noire 63 avaient donc été de bons prophètes et démonstration était faite que mineurs et géologues savaient aussi être d’excellents prospecteurs dans le monde du spectacle.
Après la scène, le bal et pendant le bal, une soirée cabaret fut animée par des artistes et humoristes moins connus aujourd’hui mais habitués des cabarets parisiens. Puis jusqu’à l’aube deux orchestres accompagnaient les noctambules très nombreux parmi les jeunes camarades.
L’esprit Cartel des Mines
Réserver le Palais de Chaillot deux années de suite et programmer un spectacle de très haute qualité a été un exploit qu’il a été très difficile de pérenniser.
Néanmoins l’esprit Cartel des Mines a perduré dans sa version sportive en regroupant autour du noyau fondateur (Paris, Saint-Étienne, Nancy), Douai, Alès et les petites nouvelles et en développant son caractère international.
Fiche réalisée par Maurice Veilex E61 (texte) et Hervé Jacquemin, EMSE.