Une Maison des élèves indispensable
L’École des Mines a été créée sous le régime de l’externat. Les élèves se logeaient par eux-mêmes en ville. Ils n’en éprouvaient pas de difficultés, mais les logements étaient souvent plus que spartiates.
En 1930, la question du logement se pose. Les loyers augmentent, mais la salubrité des chambres laisse à désirer. Le coût et la qualité de vie de l’élève, en particulier du logement, peuvent représenter un attrait pour l’École ou influencer son image, surtout à une époque où l’on commence à comparer les écoles. L’École maintenant installée dans des locaux neufs cours Fauriel, le nouveau directeur nommé en décembre 1929, Charles Descombes, se préoccupe de cette situation, d’autant qu’un accident tragique survient en janvier 1930. Jean Gambut, élève de 3e année de l’École des Mines de Saint-Étienne, meurt asphyxié par des émanations d’oxyde de carbone dans sa chambre. C’est un électrochoc.
Le directeur crée une commission avec des membres du Conseil d’administration de la Société amicale des anciens élèves, alors présidée par Barthélémy Deflassieux. La même année, les membres étudient la formation d’une société immobilière d’habitation à bon marché dans le but de faire construire une maison pour les élèves. Le projet est de l’ordre de trois millions de francs dont le financement est essentiellement privé, et indépendant de l’École.
Projet et réalisation architecturale
En 1931, un terrain des Hospices de Saint-Étienne est retenu pour sa situation entre les deux lieux de vie des élèves : à 1700 m de l’école et 1300 m de la place de l’hôtel de ville. Il donne sur les rues Michelet et César Bertholon. Les architectes retenus sont François Clermont, fils d’un ancien élève (promotion de sortie 1864), qui a déjà coréalisé l’Hôtel des Ingénieurs pour la Société amicale des anciens élèves, et Jacques Ferrier, sorti de la promotion 1921 de l’École. La société est créée le 3 février 1932 et les anciens élèves ont été sollicités pour en acheter des actions d’une valeur de 500 francs. Une tombola est même organisée lors du bal de 1932. Le billet de 10 francs pouvait permettre de remporter, comme premier lot, une voiture, une Peugeot type 201 !
Malheureusement, la situation économique ralentit fortement les subventions de l’industrie privée, la société manque d’argent et les budgets prévisionnels sont dépassés. On promet aux sociétés généreuses de baptiser les chambres avec leur nom. En 1936, le bâtiment de cinq étages est achevé, mais il n’y a plus d’argent pour les aménagements. Les bâtiments sont même squattés par des clochards. En 1937 et 1938, la société augmente son capital et une nouvelle souscription est lancée, et les travaux redémarrent en fin d’année.
Chaque année, une assemblée générale permet de faire le point sur les travaux ou le fonctionnement, et d’élire le bureau. Parmi les personnalités très impliquées, le directeur Charles Descombes, qui assure la présence, le professeur Georges Brun, d’anciens élèves tels Pierre Chevenard (1910) et surtout Joseph Roederer (1909) et Louis Chomard (1898). Le coût final de la construction est de l’ordre de 4 millions de francs.
Les 32 premières chambres sont achevées en avril 1939. Les 50 autres sont ouvertes pour la rentrée d’octobre. Le service de restauration prévu au rez-de-chaussée n’est pas encore fonctionnel.
La maison des élèves est aménagée avec tout le confort moderne : chambre meublée avec chauffage central, eau courante dans chaque chambre, deux salles de bains avec douches et une baignoire à chaque étage, ascenseur célèbre. Le 1er étage comporte une bibliothèque, espace pour se réunir, des postes de TSF, de quoi s’adonner au bridge, ping-pong et billard. La gérante, Mme Béranger, habite sur place et veille à la bonne tenue des lieux et la pharmacie de secours.
En 1965, une nouvelle maison des élèves, plus grande et plus moderne, est construite boulevard de Fraissinette. La maison a été vendue à l’Université de Saint-Étienne, qui en fit son siège pendant 40 ans. Elle doit être réaménagée prochainement pour accueillir des cours.
Joies, drames et mémoire
La maison est le terrain de jeux des élèves et nombreuses sont les anecdotes que les élèves ont gardées en particulier de la terrasse sur le toit : bronzette, cyclisme sur les corniches sans protection, aire de lancement de bombes à eau…
Mais la maison a ouvert juste au moment de la guerre. À part l’anecdote de l’architecte intérieur, Monsieur Bouffault, qui détenait les clés et qui est parti avec lors de la mobilisation, les moments furent tristes durant la période 1939-45.
Le 29 juin 1944, Francis Baulier et Clément Bécat, deux élèves résistants sont arrêtés. Par crainte que la Gestapo ne remonte le réseau, les autres membres de la Résistance armée quittent définitivement la maison des élèves et la ville, le 30 au matin. À l’heure du déjeuner, la Gestapo fait une descente au réfectoire, contrôle l’identité de tous les élèves et les aligne contre un mur pour les fouiller, puis perquisitionne les chambres. Elle emmène l’élève polytechnicien Durand, qui meurt en déportation.
En mémoire, de l’élève assassiné le 2 juillet 1944 et qui logeait là, la partie de la rue César Bertholon qui passe devant la maison des élèves prit le nom de Francis Baulier en juillet 1945.
Références
Hommage à Jean Gambut, Le Pic qui chante n° 38, 1930
La chanson de « La Tombola » et les résultats de la tombola, Le Pic qui chante n°47, 1932
Brochure présentant la Maison des élèves, 1965
Fiche réalisée par Rémi Revillon (historien – texte) et Hervé Jacquemin (Mines Saint-Étienne).