1816-2016 - Bicentenaire

Une école civile en uniforme

Le Pic qui chante, 1933
Le Pic qui chante, 1933

L’École des Mines de Saint-Étienne est une école formant des ingénieurs civils des mines. Depuis 1817, les élèves portent un uniforme. Le port non obligatoire fut selon les périodes plébiscité, négligé ou rejeté. Les dernières manifestations auxquelles les élèves ingénieurs ont participé – 11 novembre 2015, Sainte-Barbe, lancement du Bicentenaire et Téléthon 2015, reflètent le véritable engouement actuel pour l’uniforme. Cette brève revient sur l’histoire de ce costume.

Aux origines

L’article 29 du premier règlement de l’École (3 juin 1817) autorisait les élèves à porter un simple frac (genre de queue de pie) bleu de roi, croisé sur la poitrine avec des boutons de métal jaune ayant pour légende École des mineurs et au centre une fleur de lys.

« On y rencontrait toujours un certain nombre d’élèves-mineurs, reconnaissables à leur uniforme bleu clair (bleu de ciel) orné de deux pics en croix, brodés en or. Dans les grands jours, on mettait le chapeau à cornes et l’épée, que j’ai porté pour la première fois. » écrivait Jean-Baptiste Boussingault, élève de la deuxième promotion. Pour sa part, il prit un habit bleu d’officier de son oncle pour constituer son uniforme. Ce qui tend à prouver que l’uniforme était approximatif.

L’uniforme n’était pas la tenue de tous les jours et n’était pas obligatoire. Il s’agissait d’un outil de reconnaissance. Le 25 janvier 1826, les élèves adressèrent au Conseil de l’École une pétition dans laquelle ils sollicitaient l’obligation de porter l’uniforme à l’extérieur de l’école, dans le double but d’entretenir l’union parmi les élèves et de se disculper d’accusations injustifiées de désordre dans la ville, dans le quartier Saint-Jacques de Saint-Etienne aux abords des estaminets par exemple.

Dans le règlement de 1831, article 30, il est stipulé que les élèves porteront un frac droit, bleu de roi avec liseré, collet, parements et retroussis bleu clair et deux pics de mineur en sautoir brodés en jaune au collet : boutons de métal jaune, ayant pour légende : Ecole des Mineurs de Saint-Etienne, et au centre le coq gaulois. Les élèves avaient déjà porté cet uniforme lors des événements de 1830. Malgré l’absence dans le règlement, le port de l’épée se généralisait, ce que le directeur Roussel-Galle n’appréciait guère : « C’est pour eux une affaire de pure vanité » écrivit-il au ministre qui fit interdire le port de l’épée. Mais lors des événements de 1848, les élèves revendiquèrent l’exemple de leurs ainés, et eurent la permission donnée par le commissaire du Gouvernement pour porter l’épée. Ce n’est qu’en 1890 qu’un décret officialisa ce port.

Le 3 février 1853, pour suivre l’initiative des élèves, une décision modifia l’uniforme qui se composa alors d’une capote, d’un képi et d’un pantalon à bandes bleues. Le bicorne fut abandonné.

Première photo connue relative au port de l’uniforme, promotion 1877 sur les marches de l’École des Mineurs à Chantegrillet © Association ICM
Première photo connue relative au port de l’uniforme, promotion 1877 sur les marches de l’École des Mineurs à Chantegrillet © Association ICM

Le décret du 18 juillet 1890 définit la tenue officielle : une tunique bleu foncé avec parements bleu clair, le pic et le marteau brodés en jaune au collet, boutons de cuivre doré ayant pour légende : « Ecole des Mines de Saint-Etienne » et au centre le pic et le marteau ; képi en drap bleu clair avec bande de velours noir ; ceinture en cuir verni, et enfin l’épée à poignée en cuivre doré, la garde portant le pic et le marteau. C’est au directeur de l’École que revenait le soin de définir l’utilisation de cette grande tenue.

Auguste Corriol, promotion 1896-1899 © Archives Municipales de Saint-Étienne
Auguste Corriol, promotion 1896-1899 © Archives Municipales de Saint-Étienne
Marcel Gillot, promotion 1911-14 © Association ICM
Marcel Gillot, promotion 1911-14 © Association ICM

En dehors, les élèves devaient porter la petite tenue : une casquette à deux galons d’or avec le pic et le marteau en écusson.

La petite tenue semble vite abandonnée, puis disparait du règlement intérieur. Mais la grande tenue est maintenue même si après la Première Guerre mondiale, elle s’anoblit avec les insignes brodés en or et l’épée ornée de nacre.

Le règlement de 1919 renforce les pouvoirs de l’École. L’uniforme est règlementé par le Conseil de l’École qui décide du règlement intérieur, et il n’est plus décidé par le ministre. Il en est de même dans le décret du 25 mai 1940.

Depuis, l’uniforme n’apparaissait plus, ni dans les décrets ni dans le règlement de scolarité des formations d’ingénieur jusqu’en cet automne 2015 dans le règlement intérieur :

I.2.6. Vêtements d’apparat

Les élèves de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Etienne sont autorisés à porter l’uniforme (réf. 25 UNIFOR pour cycle ICM et CUMG pour cycle ISMIN) en tant que vêtement d’apparat lors des manifestations suivantes :

– gala,

– remise des diplômes,

– accueil de personnalités (dans le cadre de manifestations organisées par l’Ecole),

– autres manifestations ayant reçu l’accord express du directeur ou de toute personne ayant reçu délégation.

Les élèves sont également autorisés à porter l’épée pour les évènements officiels ayant reçu l’accord express du directeur ou de toute personne ayant reçu délégation. Excepté ces dérogations, le port de l’épée est strictement interdit.

Un uniforme au quotidien

A la fin du 19ème siècle et début du 20ème siècle, les élèves au quotidien portaient donc la petite tenue avec la casquette molle.

dessin 1  dessin 2

Couverture et dessin de la revue des élèves « Le Marteau », 1912

Le Pic qui chante n° 12, 1924
Le Pic qui chante n° 12, 1924

L’uniforme gage de séduction

Le grand uniforme était porté par les élèves aux événements majeurs de l’année scolaire, remise des diplômes à l’été, gala de la Sainte-Barbe autour du 4 décembre et les deux bals annuels donnés à l’Ecole, dans une salle de Saint-Etienne avant de se dérouler à l’Hôtel des Ingénieurs à partir de 1907.

Sur les divers clichés, s’observe la présence du revers de chaque côté ou, comme aujourd’hui, sur un seul. Rien n’est dit à ce sujet dans les textes officiels.

« Le samedi 20 juin 1936, le professionnel André Grange prend la photo traditionnelle de notre promotion  réunie au trois quart, en uniforme, avec l’épée, le képi à la main, sur le perron de l’Ecole, au pied des statues du mineur et du métallurgiste soutenant le balcon et autour des autorités ; Baboin, Sautier, le Commandant Vassel, le directeur, grand et fort [Descombes], Brun et Chomard. A quoi font suite deux photos fantaisistes où les rires fleurissent sur les visages, képis sur les têtes : Hardy sacre avec son épée le secrétaire Bonnafoux portant le képi, la cape et l’épée. » Texte de Paul Coron, promotion 1933-36.

Promotion 1933-36 de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne
Promotion 1933-36 de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne

« Quant aux distractions, sans compter les bals des anciens, chaque année, un ou deux bals sont organisés par les élèves dans la salle de la Maison de l’Amicale. Et brillent nos beaux uniformes qui font battre les cœurs des jeunes filles qui virevoltent à leur côté au son d’un doux orchestre, en prélude de combien de mariages ! » Paul Coron id.

pic qui chante 1922 1 pic qui chante 1922 2

Le Pic qui chante 1922 © Association ICM

Auguste Forissier, promotion 1908 © Maurer Forissier
Auguste Forissier, promotion 1908 © Maurer Forissier
Élève en grande tenue 1932 © Ass. ICM
Élève en grande tenue 1932 © Ass. ICM

L’uniforme était également utilisé comme visuel pour des activités des élèves tel le club de bridge des années 1950.

Juin 1958, Le Pic qui chante
Juin 1958, Le Pic qui chante

L’uniforme rejeté, l’uniforme plébiscité

Dès les années 1950, sur les photographies de promotions, les élèves ne posent plus en uniformes.

Promotion 1948-51, dernière photo de promotion avec un seul élève en uniforme (Robert Pluntz)
Promotion 1948-51, dernière photo de promotion avec un seul élève en uniforme (Robert Pluntz)

Rejeté puis délaissé durant un temps, suite aux années 1968, l’uniforme est aujourd’hui de nouveau prisé. Repris en 2005 par les élèves du cycle d’Ingénieur Spécialité  Micro-électronique et Informatique (ISMIN) de l’École des mines, étudiant à Gardanne mais souhaitant être reconnus comme des élèves de l’École de Saint-Étienne, les élèves de Saint-Étienne ont décidé de renouer avec la tradition.

Uniforme des élèves ISMIN avec deux pics au col, 2014
Uniforme des élèves ISMIN avec deux pics au col, 2014
Élèves ICM le 11 novembre 2015 (lauriers au col)
Élèves ICM le 11 novembre 2015 (lauriers au col)

Fiche rédigée par Hervé Jacquemin (MINES Saint-Étienne) et Rémi Revillon (historien)

Photographies : MINES Saint-Étienne, famille Maurer-Forissier, Hervé Jacquemin

Références

Archives Départementales de la Loire : décrets et règlements

Archives municipales de la Loire, Association des ICM : documents, revues « Le Marteau », « Le Pic qui chante »

Louis Babu (1900) – L’École des Mines de Saint-Étienne. Extrait du Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 3e série, tome XIV.

Pierre Baché (2001), Histoire de L’Ecole des mines de Saint-Etienne au XIXe siècle

Jean-Baptiste Boussingault (1892) – Mémoires, tome 1.1

École des MINES de Saint-Étienne

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