« Parmi les belles et grandes choses de la Terre, ce sont les montagnes, peut-être, les nobles et puissantes montagnes, qui parlent le plus éloquemment aux hommes de stabilité, d’immutabilité, de pérennité » ainsi s’exprimait Pierre Termier, professeur à l’École des Mines de Saint-Étienne de 1885 à 1894.
Pierre Termier est né à Lyon le 3 juillet 1859. D’origine modeste, son père était voyageur de commerce et sa mère travaillait dans la soierie. Il fit toutes ses études jusqu’au baccalauréat au Collège des Maristes de Saint-Chamond où il reçut une solide éducation littéraire mais il s’enthousiasma également pour les mathématiques. Son père aurait souhaité le voir se consacrer au commerce, mais il prépara en 1878 au lycée Sainte Geneviève, le concours d’entrée à Polytechnique dont il fut élève jusqu’en 1880 et major de sa promotion.
Pierre Termier se maria le 6 août 1883 à Alice, qui mourut, après une très longue maladie. Sept enfants naquirent de cette union, deux fils et cinq filles.
Au cours de ses études à Polytechnique, la géologie entra dans sa vie de manière surprenante : « La première fois que j’ai entendu parler de géologie, c’est en 1879 par près de 3000 m d’altitude au sommet de Belledonne ». En effet des étudiants étaient sur ce sommet avec leur professeur dont les propos firent naître la vocation de Pierre Termier. Il entra ensuite à l’École des Mines de Paris comme élève-ingénieur au Corps des Mines où il fut désenchanté par un enseignement purement utilitaire mais il lui restait les Sciences de la Terre : « Heureusement je trouvais la très bonne et très accueillante Minéralogie … et une autre consolatrice la Géologie ».
Il fut nommé ingénieur ordinaire à Nice en 1883 mais très attiré par l’enseignement, il demanda et obtint en 1885 la chaire de Géologie, de Minéralogie et de Physique à l’École des Mines de Saint-Étienne où il inaugura le premier cours d’électricité industrielle donné dans une école d’ingénieur française. Il quitta l’École en 1894 pour devenir titulaire de la Chaire de Géologie de l’École des Mines de Paris. Il entra en 1909 à l’Académie des Sciences dont il deviendra Président en 1930.
À la suite d’une mission au Maroc, Pierre Termier s’est éteint le 24 octobre 1930 victime d’une affection pulmonaire. Son buste fut édifié à l’École des Mines de Saint Étienne le 21 octobre 1933. À cette occasion, Claude Descombes, directeur de l’École, déclara «L’école est particulièrement fière de compter parmi ses anciens maîtres celui dont le labeur de cinquante années fut imprégné, animé de l’idéal scientifique le plus élevé. Elle a pensé que dans sa maison le buste de Pierre Termier serait à sa place, en face du tableau qui porte les noms des anciens élèves morts victimes du devoir professionnel ou tombés au champ d’honneur. ».
Aimé Octobre (1868-1943) a réalisé un buste en bronze en 1933 (Hohwiller, fondeur). L’artiste exécuta deux bustes en marbre identiques, destinés à être érigés, l’un à l’École des Mines de Saint-Étienne (1933), l’autre à l’École des Mines de Paris. Le troisième dans le square Termier de Briançon (Inventaire général du patrimoine culturel). Le buste attribué à Saint-Étienne semble aujourd’hui disparu.
Pierre Termier montagnard
Sa passion pour la géologie et les Alpes l’emmène naturellement vers les sommets. Parmi les très nombreuses courses qu’il a pu réaliser, citons par exemple celle du 28 août 1894 où en compagnie du guide Émile Pic il réalisa la première ascension du Pic de Jabel (3002 m) dans le massif des Agneaux après 7 heures d’effort. Ses recherches sur la tectonique alpine l’ont fait beaucoup voyager : Corse, Suisse, Autriche, Algérie, Tunisie, Maroc… Ses élèves se souviennent de lui comme d’un marcheur infatigable qui les emmenait sur les sommets alpins pour leur expliquer la formation des Alpes. Pierre Termier aimait l’enseignement, il disait que le rôle du professeur, du Maître, n’est pas seulement d’instruire la jeunesse, de lui faire aimer la Science mais aussi de faire progresser cette science. Il organisait ses cours sur le terrain qu’il considérait comme « la vraie patrie, le vrai laboratoire du géologue ». Il recommandait alors à ses élèves : « exercez-vous à marcher, à courir, à ne jamais boire, à avoir chaud, à supporter le soleil pendant des heures et la pluie pendant des journées ».
Pierre Termier géologue
Il n’est pas question de proposer une synthèse de l’activité de Pierre Termier dans le domaine de la géologie. Son œuvre très riche (des articles, des livres…) a fait l’objet de commentaires par ailleurs (voir en particulier celui d’Eugène Raguin). Nous n’évoquerons ici que quelques points généraux, en particulier en relation avec l’École des Mines et son environnement stéphanois.
Pierre Termier, géologue de terrain et pétrographe
Pierre Termier, natif de la région lyonnaise et éduqué à Saint-Chamond, a souhaité commencer sa carrière de géologue et d’enseignant à l’École des Mines de Saint-Étienne. Les montagnes du Massif central proches de Saint-Étienne (massif du Pilat, monts du Forez, monts du Lyonnais, Velay), il les a arpentées en long et en large, comme se souviennent ses collaborateurs et élèves. Il a fait de multiples prélèvements et observé de nombreuses lames minces au microscope polarisant. Il subsiste aujourd’hui à l’École des Mines de Saint-Étienne des meubles où sont archivés les échantillons rapportés par Pierre Termier de ses explorations dans la région (avec des fiches écrites de sa main), ainsi que de nombreuses boîtes de lames minces explicitement référencées à lui. Quand on voit le bel ordre qui reste aujourd’hui de ces collections, on ne peut qu’imaginer le soin et la méthode qui étaient les siens. Pierre Termier a proposé la première définition d’une argile de type kaolinite, avec une proportion modeste d’illite, qu’il a nommée Leverriérite, en hommage à son ami Urbain Le Verrier (fils de l’astronome), professeur avec lui à l’École des Mines de Saint-Étienne (le nom de Leverriérite n’est plus utilisé aujourd’hui). Pierre Termier brosse un portrait émouvant de son collègue dans La joie de connaître. Il a travaillé avec lui à la géologie du massif du Pilat (la chaire d’Urbain Le Verrier était celle de métallurgie et chimie, 1878-1887).
Pierre Termier, homme des grands charriages
Les explorations faites dans les environs de Saint-Étienne ont eu une importance significative dans la naissance des idées de Pierre Termier sur les grands charriages alpins, qui, avec celles de Marcel Bertrand, allaient permettre de comprendre de façon nouvelle la structure des Alpes (en particulier la reconnaissance du rôle des mylonites). C’est avec Georges Friedel, un de ses collègues à Saint-Étienne, (rappelons que le nom de Georges Friedel est donné à l’équipe CNRS qui allie en 2015 à l’École des Mines des recherches sur les matériaux et les procédés) qu’il a publié une note sur la découverte de charriages dans la pile hercynienne, sous les formations carbonifères (titre de la note : « Sur l’existence de grands charriages antérieurs au Stéphanien dans la région de Saint-Étienne », note de P. Termier et G. Friedel présentée par Michel Lévy, Comptes Rendus de l’Académie des sciences, 1906, 1er semestre, CXLII, 18, 1003-1005). Nous ne développerons pas l’apport de Pierre Termier à la compréhension des Alpes ; nous noterons au passage sa réserve surprenante vis-à-vis de la théorie naissante de la dérive des continents (proposée par Wegener) qui pourtant faisait la part belle aux mouvements horizontaux. On peut résumer son point de vue en disant qu’il restait convaincu de la permanence de certains traits de la géologie terrestre (« l’un la Téthys, l’autre la zone circumpacifique ») : « cette longue permanence est la négation même de la thèse de Wegener telle que Wegener l’a présentée. Pour tout le reste, et dans l’intérieur de ce cadre, je suis mobiliste tant qu’on voudra et tant que ce sera nécessaire » (in : La vocation de savant, p. 242).
Pierre Termier, géologue inspiré
Chez Pierre Termier, impossible de séparer la géologie d’une réflexion sur la connaissance et la science en général, tel qu’il l’a exprimée dans ses trois livres. Tous ses élèves et auditeurs (il était sollicité à de multiples occasions pour faire des discours) se souviennent avec émotion de l’éloquence et la fougue, le souffle poétique et spirituel, qu’il mettait dans l’explication du passé de la terre. La géologie était pour lui la plus belle des sciences : « aucune science ne prête plus de charme à la promenade ou au voyage » (La vocation de savant, p. 194). La géologie donne accès aux grandes questions que sont le temps et l’énigme de la durée, l’origine de l’homme, le mouvement de l’écorce caché dans l’immobilité apparente des montagnes… Il avait un sens aigu de sa vocation d’éveiller ses auditeurs à la science, c’est à dire au « sens du mystère » : « accroître le sens du mystère est pour moi le but suprême de la science et la marque divine de l’homme » (op.cit.). Enfin, ce serait amputer la pensée de Pierre Termier que de laisser sous silence un aspect important de sa personnalité : sa foi chrétienne, dont il ne fait nul mystère dans ses écrits. La géologie l’oriente vers celui qu’il appelle « le créateur ».
Pierre Termier écrivain, poète
Outre ses très nombreuses publications scientifiques, Pierre Termier a écrit une trilogie « À la gloire de la Terre », « La joie de connaître », « La vocation de savant » qui constituent d’admirables textes lyriques sur la science.
Reconnaissances
La carrière scientifique de Pierre Termier a été largement récompensée :
- en 1903, il est le premier lauréat du prix Prestwich de la Société géologique, décerné par Albert de Apparent ;
- en 1906, le prix Wilde lui est décerné par l’Académie des sciences ;
- en 1909, il entre en section minéralogie à l’Académie des Sciences, dont il deviendra Président ;
- en 1911, à la mort d’Auguste Michel-Lévy, il lui succède comme Directeur du Service de la Carte Géologique ;
- en 1914, il est nommé Inspecteur général des Mines ;
- le prix Albert Gaudry lui est décerné par la Société géologique de France en 1920 ;
- nommé Commandeur de la Légion d’honneur le 6 octobre 1927 ;
- en 1930, il est fait Docteur honoris causa de l’Université d’Innsbruck.
Les scientifiques, les montagnards ont reconnu en Pierre Termier un de leurs pairs puisque plusieurs lieux portent son nom et des municipalités ont commémoré sa mémoire :
- un des pics du groupe du Galibier ;
- un mont à proximité de Lake Louise en Colombie-Britannique ;
- une plaque commémorative sur l’esplanade d’arrivée du téléphérique grenoblois ;
- un square à Briançon ;
- un lycée privé à Grenoble et à Lyon ;
- une rue à Saint-Etienne (1930).
Références
http://www.annales.org/archives/x/term.html
http://www.annales.org/archives/x/termbuste.html
Brève rédigée par Jacques Bourgois et Bernard Guy (Mines Saint-Étienne)