Louis Neltner est né le 9 juillet 1903 à Toulouse dans un milieu militaire. Il entre à Polytechnique à l’âge de 18 ans (major de la promotion 1921) et sort de Mines Paris en 1926. Lors de son passage à Mines Paris, il suit passionnément les cours de géologie de Pierre Termier… Louis Neltner sera donc géologue. À la sortie de l’École, il demande sa mise à disposition du Ministère des Affaires étrangères avec une affectation au Service des Mines marocain où il cartographie et étudie la géologie de l’Atlas et de l’Anti-Atlas, régions encore sensibles à cette époque.
Louis Neltner explorateur, montagnard, himalayiste
Au cours des 4 années passées au Maroc, ses principales découvertes ont été les discordances de Bou Azer et de Tizi N’Tarratine, et surtout des prises d’échantillon d’érythrine à l’origine de l’exploitation de la mine de cobalt de Bou Azer. Au cours de ses années marocaines il fit des explorations en Afrique sub-saharienne et notamment en Ouganda avec son ami André Demay (sous-directeur de Mines Saint-Étienne). Dans ces zones marocaines, Louis Neltner est devenu montagnard en parcourant les vallées de 1 000m d’altitude et les sommets entre 3 500 et 4 000 m ; hommage lui a été rendu puisque un refuge de montagne situé sous le Mont Toubkal (4 165 m) lui est dédié. Ses recherches sur ce terrain ne vont pas s’arrêter puisque il retournera au Maroc et en Mauritanie chaque année à la suite de sa nomination à Saint-Étienne en 1931.
Dans les années 30, il est membre du Club Alpin Français, il devient au fil des années un alpiniste et montagnard chevronné. Son expérience fut reconnu nationalement puisque il fut choisi comme membre de la première expédition française en Himalaya dans le massif du Karakorum en 1936 (Hidden Peak, aujourd’hui Gasherbrum-I). Louis Neltner faisait partie des cordées d’assaut et après avoir installé 5 camps de base, arrivé à 6500 m d’altitude, la mousson arrêta l’ascension et fit échouer l’entreprise. Le 24 juin, Neltner, bloqué au camp IV, envoie au chef de l’expédition, Henry de Ségogne, un message lui demandant l’autorisation d’attendre une éclaircie et de poursuivre « à la grâce de Dieu » … demande refusée. Au cours de la descente, le beau temps revint : si Neltner avait été écouté, les spécialistes pensent que l’expédition aurait été un succès.
En 1942, le Haut-Commissariat aux Sport crée la Fédération Française de la Montagne. Louis Neltner en devient le premier président et à son initiative plusieurs camps-école d’alpinisme sont organisés dans les Alpes et les Pyrénées.
Louis Neltner et l’École des Mines de Saint-Étienne
Au départ d’André Demay pour les Mines de Paris suite au décès de Pierre Termier (cf /bicentenaire2016//histoires/les-breves-du-bicentenaire/annees-fondatrices-dandre-demay-enseignant-chercheur/), la chaire de géologie de l’École des Mines de Saint-Étienne lui est confiée en 1931. Il devint Directeur de l’École en 1943. Professeur aimé de ses élèves, il se plaisait à leur dire : « Ceci peut vous paraître simple, mais vous verrez combien cela est en réalité très compliqué quand je vous l’aurai expliqué ». Neltner participait activement aux festivités organisées par et pour les élèves : bals, revues, pic qui chante, sorties ski, ballades géologiques… Il est à l’origine de la semaine ski de Noël dans un monastère alpin. Il souhaitait que les élèves deviennent des hommes complets et non de bons techniciens. Il leur disait : « Un ingénieur, est un cocktail de connaissances techniques, de relations humaines et sociales, de morale et de foi, servi dans un flacon solide et physiquement résistant ».
Il fut résistant durant la Seconde Guerre mondiale : élèves inscrits comme mineurs de fond pour échapper au S.T.O., faux papiers, faux diplômes pour des élèves israélites, fourniture de bons matière aux groupes de la résistance.
Il se vit attribuer par les élèves un surnom, familier mais non irrespectueux, qui évolua au fil des années, et adopté par la majorité du personnel de l’École. Ainsi fut-il appelé : Grand Louis, Big Lewis, The Big. Il était avec les élèves d’une bonté qui frisait les limites du raisonnable, ses rapports avec eux étaient dictés par un principe simple : « Quand on tire trop sur la ficelle, elle casse. Alors, il faut faire un nœud ! ».
Caricature de Louis Neltner par Eugène Maurin, promotion 1944-47 pour la Revue de 1945
Si l’on voulait résumer Le Grand Louis en une phrase, ce serait celle d’un proverbe tibétain qu’il affectionnait : « À ta naissance tous, autour de toi, riaient. Toi seul pleurais. Tâche de mener ta vie de telle sorte qu’à ta mort tous, autour de toi, pleurent, et que, toi seul, tu ries ! ».
Références
http://www.annales.org/archives/x/neltner.html
Notice nécrologie : notice.pdf
Louis Neltner. En souvenir de Pierre Termier, 1859-1930 – Extrait de « La Montagne », septembre-octobre 1931 – Édition : Paris : Club alpin français
Études géologiques dans le Sud Marocain – Protectorat de la République française au Maroc. Direction générale des travaux publics. Service des mines et de la carte géologique. Notes et mémoires. N° 42 – Édition : Rabat, Impr. officielle , 1938.
Éléments de cristallographie géométrique – Description : Note : Cours professé à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne – Édition : Gap, impr. L. Jean, 1958
Karakoram expédition française à l’Himalaya 1936 – Escarra Jean, Ségogne Henry de, Neltner Louis, Charignon Jean. Ed.
‘Karakoram’, film documentaire de Marcel Ichac, 1936 – 59 mn
Brève rédigée par Jacques Bourgois, EMSE