Le 18 mars 1883, la France suspend le projet de tunnel sous La Manche. L’ancien élève de l’Ecole des mines de Saint-Etienne, Ludovic Breton avait réalisé une galerie de 1 839,60 m, alors que les Anglais de la Submarine Continental Railway Company, dirigés par Edward Watkin, avaient foré environ 2 000 mètres depuis Shakespeare-Cliff. Le projet sera finalement abandonné l’année suivante.
Note biographique
Ludovic Joseph Breton est né à Hénin-Liétard (actuelle Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais) le 28 janvier 1844. Il effectua une carrière d’ingénieur des mines, à Dourges à partir du 1er octobre 1864, puis d’ingénieur-directeur aux mines d’Auchy-au-Bois au 1er mai 1872, avant de devenir propriétaire des mines d’Hardinghen le 22 août 1888. Il fut président de la société géologique du Nord en 1890. Il dirigea les recherches conduisant à l’exploitation de deux concessions, Gouy-Servins (1908) et Fresnicourt (1911).
L’ingénieur des mines révélé
Ludovic Breton fut élève de l’école professionnelle des arts industriels et des mines du Nord avant d’être admis comme élève titulaire de l’École des mineurs de Saint-Étienne le 24 octobre 1862. Il en sortit en 1864 avec un brevet de 2e classe. Le conseil nota qu’il avait un esprit un peu superficiel et un travail mou.
Pourtant, cet ancien élève s’illustra à partir du 1er août 1879 dans un projet hors norme : la construction d’un tunnel sous-marin entre la France et l’Angleterre, sur 50 à 60 kilomètres. Il travailla comme ingénieur à l’étude de la construction et comme directeur des travaux.
La Société française du Tunnel sous La Manche avait été fondée, sous le patronage de Michel Chevalier, le 1er février 1875, et reconnue d’utilité publique le 2 août de la même année. Sous la direction de Ludovic Breton, elle commença à creuser dans la couche aquifère puis dans la couche de craie. Le point de départ du tunnel était fixé à Sangatte, où le puits n°1 avait une profondeur maximale de 88,70 m pour un diamètre de 2,70 m. En surface, sur presque deux hectares, s’étalait un ensemble de bâtiments : ateliers, chambres d’ouvriers, salles des machines hébergeant les machines à vapeur et les compresseurs… Les 156,10 premiers mètres du perçage furent creusés manuellement, au pic et à l’explosif, puis l’entreprise se modernisa, éclairée par l’électricité et mécanisée avec des perforatrices.
La fin d’une aventure
Mais l’aventure technique s’interrompit sous l’assaut des conservateurs anglais qui craignaient pour la sécurité de leur île, malgré les possibilités laissées par Breton. En effet le projet d’installation de viaducs de part et d’autre, passages obligatoires pour les trains, avait pour unique raison de pouvoir les détruire pour interrompre la liaison. Enfin, l’ultime recours était d’inonder le tunnel afin de le condamner en cas d’urgence. Le 23 juillet 1882, les Anglais, qui creusaient l’autre extrémité du tunnel, arrêtèrent les travaux de forage. Sans entente entre les deux pays, le projet était condamné et, le 18 mars 1883, la France suspendit le projet qui fut finalement abandonné l’année suivante.
Breton avait donc réalisé une galerie de 1 839,60 m, alors que les Anglais de la Submarine Continental Railway Company, dirigés par Edward Watkin, avaient foré environ 2 000 mètres depuis Shakespeare-Cliff. Le projet imaginé par Ludovic Breton et Albert Sartiaux comprenait deux tunnels de 5,5 m écartés de 15 m, avec des liaisons pour la ventilation naturelle.
Depuis 1751 et la suggestion d’un tunnel par l’ingénieur Nicolas Desmarets, ce sont près de 140 projets qui ont été imaginés. En 1802, l’ingénieur des mines Albert Mathieu-Favier présente à l’Empereur Napoléon 1er un projet pour forer un tunnel.
De nombreuses études de sol furent menées notamment par Thomé de Gamond, puis confirmées par les ingénieurs des mines Alfred Potier et Albert de Lapparent grâce à 7 600 sondages. Elles débouchèrent sur la conclusion qu’une couche de craie de Rouen, sans faille ni interruption, rendait possible le perçage d’un tunnel.
Il fallut s’y reprendre en trois fois pour réaliser l’ouvrage. Après l’arrêt de 1884, un siècle est nécessaire avant d’oser reprendre le projet. Malgré un nouvel échec financier en 1975, un traité est signé en 1987 par Margaret Thatcher et François Mitterrand. En 1990, la jonction est effectuée et le tunnel est ouvert commercialement en 1994.
Autour de Ludovic Breton
Ludovic Joseph Breton est le demi-frère des peintres Émile (1831-1902) et Jules Breton (1827-1906). Jules Breton est l’auteur du « Rappel des glaneuses », toile exposée au Musée d’Orsay. Il est l’oncle de l’homme politique Jules-Louis Breton, qui fut ministre, œuvra pour des lois sociales et sanitaires et créa le Salon des arts ménagers (1923).
Le 22 août 1888, la concession d’Hardinghen comprenant les mines, les fosses, le chemin de fer, fut achetée par Ludovic Breton, pour 16 500 francs. Le 29 mars 1889, il rétrocéda les maisons d’ouvriers, bâtiments et terrains et entreprit seul l’exploitation de ce qui était la plus petite exploitation de charbon de France. Il réussit là où d’autres propriétaires échouèrent.
Références
L’illustration n° 3323 – Note à propos du Tunnel sous la Manche par Albert Sartiaux (1906)
Les Dépêches de la troisième semaine de mars au fil des 200 ans
Mars 1948 – Comme à Paris, des surboums réclamées
Dans « le Pic qui chante » de mars 1848, les élèves s’étonnaient de ne pouvoir inviter d’autres jeunes stéphanois et stéphanoises à des fêtes de la Maison des Elèves. Cela se faisait à Paris, à l’X, aux Mines et aux Ponts, bien entendu. « Les bonnes habitudes, avions-nous pensé, mettent longtemps avant d’arriver en Province ». Or voici peu que les Mines de Nancy organisaient aussi leurs surboums. « Nous pensons que cette expérience vaut d’être tentée ». Un bouleversement de la vie étudiante s’annonçait. Depuis, les surboums, devenues soirées ou scènes ouvertes, se déroulent régulièrement.
20 mars 1957 – Disparition de Jean Archer, un ingénieur hors norme (1883-1957)
Ingénieur des mines de Saint-Etienne de la promotion 1903-1906, Joseph Jean Archer devint industriel dans la Nièvre à Saint-Benin d’Azy et Cizely. Il refusa l’exemption reconnue aux pères de familles nombreuses et s’engagea en 1915 dans l’infanterie. C’était un inventeur prolifique notamment de l’auto-mitrailleuse Archer capable de résister aux balles allemandes à bout portant, d’un canon de 85, d’une nacelle « Eolia » capable de se déplacer dans l’air, sur terre ou dans les mers (exposée au Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris) ou encore du gyrophare.
Par la suite, il fut un ardent défenseur de la paix entre les nations d’Europe et mis au point avec Philibert Besson et Auguste Sabatier, deux députés, le « programme fédériste », proposant, en 1928, une monnaie européenne « Europa » qu’ils firent frappée. Joseph Archer devint député de la Haute-Loire en 1935 à la place de Philibert Besson déchu. Après sa révocation de ses fonctions de maire par le Gouvernement de Vichy, il connut des difficultés de santé et fut interné.
Fiche rédigée par Rémi Revillon (historien) et Hervé Jacquemin (Mines Saint-Étienne).