La remise du buste d’Henri Fayol
En ce 11 mai 1958 en fin de matinée, une cérémonie est organisée pour la remise officielle d’un buste d’Henri Fayol, ancien élève de l’École, en présence de son fils Henri Fayol, directeur d’une entreprise, et de son petit-fils, Louis Grangé, directeur général des Etablissements Berton et Sicard à Avignon, et issu lui-même de promotion de sortie 1929 de l’École des Mines de Saint-Étienne.
Le buste est remis à l’Amicale des Anciens élèves par Louis de Mijolla, ancien élève de l’École diplômé en 1913, vice-président de la société métallurgique d’Imphy que dirigea Henri Fayol, et disciple de ce dernier. À cette occasion, il propose « l’exemple de Fayol à la méditation » des élèves et rappelle les célébrations du centenaire de la naissance d’Henri Fayol, en 1941, dans la salle qui porte son nom. Le directeur de l’École, Louis Neltner déclare : « Je suis heureux de recevoir le buste de Henri Fayol dans ce panthéon industriel que nous sommes en train de devenir. » Puis il formule le vœu que l’École soit capable de former un autre Fayol, dont le buste pourrait être inauguré avant l’an 2000.
Le buste a mystérieusement disparu dans les années 2014-15 sur le site même de l’Ecole des Mines.
Retour sur la vie d’Henri Fayol
Jules Henry Fayol est né à Constantinople (Turquie) le 29 juillet 1841. Il est le fils d’Eugénie Cantin et André Fayol, qui a travaillé à l’arsenal de Toulouse et comme métallurgiste (notamment à la fonderie de La Voulte en Ardèche). Il intègre l’École des Mines par décision ministérielle du 19 novembre 1858 et sort 3e/14 de l’École avec un brevet de 1ère classe avec mention (décision ministérielle du 24 août 1861). Dans cette promotion 1858-60, ses camarades se nomment Jules Garnier, inventeur du minerai de nickel (la garniérite) et Daniel Murgue, ingénieur spécialiste de l’aérage et directeur de la Société des houillères de Montrambert et de la Béraudière (Saint-Etienne).
Henri Fayol fait sa carrière à la Société de Commentry-Fourchambault, débutant comme ingénieur aux houillères de Commentry dès 1860, directeur de houillères de 1866 à 1888, puis directeur général de la Société de Commentry-Fourchambault et Decazeville, avant de devenir en 1918 administrateur de la Société.
Il reçoit la Légion d’honneur par décret du 12 juillet 1888 puis devient officier le 5 aout 1913. Il cumule de nombreuses récompenses, médailles et distinction : médaille d’or aux expositions de 1878 et 1889, Grand Prix de l’Exposition de 1900, médaille d’or de la Société de l’Industrie minérale en 1880.
Il décède le 19 novembre 1925 à son domicile parisien du 49, rue Bellechasse.
Fayol, le représentant type de l’ingénieur civil des mines
La carrière d’Henri Fayol est multiple. Il est avant tout l’archétype de l’ingénieur civil des mines de Saint-Étienne, en ce sens qu’il utilise ses connaissances scientifiques pour analyser les problèmes issus du terrain professionnel de Commentry. Il a ainsi beaucoup publié dans le Bulletin de la Société de l’industrie minérale, notamment sur le boisage et la combustion dans les mines. Ce spécialiste de l’exploitation des mines est aussi un bon géologue qui a étudié les terrains houillers de Commentry. Il brevète également deux inventions : des appareils respiratoires en 1872 et un frictomètre à fléau hydraulique en 1879. Le directeur Louis Neltner reconnait même en lui un précurseur de la pétrographie. Une part importante des archives personnelles d’Henri Fayol, qui sont conservées à l’Institut d’Étude politique de Paris (Sciences Po), concerne cette « œuvre scientifique ».
Mais si Fayol est passé à la postérité, c’est pour son rôle dans la science de gestion et la théorie dite du fayolisme. Méconnu des Français, les anglophones le découvrent après son décès grâce à une traduction de Lyndall Urwick. Alors que certaines de ces idées paraissaient parfois évidentes à ses collègues contemporains, il hérite a posteriori du qualificatif de père du management à la française. Son texte majeur « L’administration industrielle et générale » est publié en 1916 dans le Bulletin de la Société de l’industrie minérale, puis plusieurs fois réédité par Dunod tout au long du XXe siècle.
Aux États-Unis, ses théories sont intégrées aux textes classiques sur l’organisation du travail, au même titre que celles de Frederick Winslow Taylor. Mais contrairement au taylorisme qui s’applique essentiellement aux chaines de montage, le fayolisme s’attache à l’encadrement administratif. De nombreuses traductions du texte centenaire existent en finnois, en hébreu, en japonais, en lituanien… Le texte publié en 1916 comporte deux parties des quatre parties annoncées et développe des principes que l’auteur a délivrés dans des conférences plusieurs années auparavant. Fayol se sert en fait de sa propre expérience pour bâtir une théorie générale sur l’administration (qu’il faut comprendre ici dans le sens de gestion). Parmi ces grandes idées, prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler forment les cinq éléments d’administration. Il édicte aussi 14 principes de management. L’ingénieur par sa connaissance de nombreux domaines tant technique que financier, commercial, de sécurité… et ses qualités doit avoir une place centrale dans l’entreprise. L’ingénieur ne doit donc pas recevoir seulement un enseignement technique dans les écoles, mais aussi un enseignement permettant de faire de lui un personnel encadrant capable de manager. Il ouvre ainsi une voie à une nouvelle forme d’enseignement dans les écoles d’ingénieur et une nouvelle vision de l’ingénieur.
Le dernier discours d’Henri Fayol
Lors du banquet du 7 juin 1925 donné à Paris en l’honneur d’Alexandre Pourcel et d’Henri Fayol, ce dernier prononce un discours de remerciements. Il revient sur son « contemporain et ami Murgue, camarade modèle », ses professeurs de métallurgie, Lan, et de géologie, Mallard. Il répond aux mots de Pierre Termier, ancien professeur de géologie et éminent géologue qui lui a adressé par écrit « l’hommage discret d’un géologue au géologue très perspicace et très hardi que [vous] avez été ».
« M. Termier a rappelé que mes études géologiques groupaient autour alors de moi une pléiade de savants qui ont enrichi de leurs magistrales publications la « Revue de l’Industrie Minérale. Tout le personnel de la houillère s’intéressait à nos recherches et y participait ; aussi nos découvertes furent-elles cent fois plus nombreuses et plus importantes que celles que j’aurai pu faire seul. »
Il conclut enfin par ces mots : « Et demain…, je reprendrai mes travaux et poursuivrai inlassablement avec mes amis du Centre d’Études administratives l’application de la méthode dont MM. Georges Picot et Termier ont rappelé les excellents effets. Puisse cette méthode recevoir bientôt les heureuses applications dont elle est susceptible dans toutes les entreprises et en particulier dans la plus grande de toutes : l’Etat. » Il a alors 84 ans et décède cinq mois plus tard.
À lire
Henri Fayol (1916) – Administration industrielle et générale. Dunod éd.
Henri Verney (1925) – Le fondateur de la doctrine administrative, Henri Fayol. Discours prononcés au banquet du 7 juin 1925, Paris. Société Amicale des anciens élèves de l’Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne. Résumé de la Doctrine administrative. Dunod éd.
Le colloque Henri Fayol, 2-3 juin 2016 – https://events.mines-stetienne.fr/colloque-fayol/
Robert Mahl – Les Annales des Mines – Jules Henri Fayol (1941-1925)
http://www.annales.org/archives/x/fayol.html
Fiche réalisée par Rémi Revillon, historien et Hervé Jacquemin, EMSE