L’établissement d’une Classe ouvrière
L’Ordonnance de 1831 met en lumière une évidence : l’École de Mineurs de Saint-Étienne n’est pas l’École pour maitres-mineurs officiellement mise en place à sa création. La qualité de l’enseignement et le succès des élèves consacrent la vision de Louis Antoine Beaunier d’une école pratique pour des ingénieurs. Le Conseil des Mines revalorise l’École à un niveau d’enseignement secondaire, en niant toutefois les débouchés des élèves brevetés.
La conséquence de ce nouveau statut est qu’il n’existe donc pas d’école pour former la main-d’œuvre ouvrière des mines. Il est alors décidé de créer une Classe ouvrière à l’École des Mineurs de Saint-Étienne, régie par le titre VI du règlement du 28 mars 1831. Son niveau est élémentaire et les conditions d’admission sont celles des élèves de l’École à ses débuts : savoir lire, écrire et compter, et avoir de bonnes mœurs. L’instruction y est gratuite et se déroule sur deux années également. Le Conseil Général de la Loire subventionne annuellement cette classe à hauteur de 600 fr.
La Classe ouvrière
La Classe ouvrière n’est pas exclusivement réservée aux mineurs, ceux-ci sont simplement prioritaires. D’autant que la première année met l’accent sur les notions d’arithmétique, de géométrie, de dessin et de levée des plans. La seconde année, tout en restant accessible, est plus spécialisée dans les techniques minières : la description des terrains houillers, des accidents qui affectent les couches, des procédés de recherche et d’exploitation.
Dans la pratique se pose un problème dès l’ouverture en 1831 : aucun des 24 élèves ne travaille dans les mines. Ce sont majoritairement des passementiers. Une nouvelle fois, le Conseil de l’École prend des libertés avec la règle et réagit rapidement pour que la seconde année soit généraliste : 10 leçons de physique élémentaire, 20 leçons de mécanique, 15 leçons de chimie et 20 leçons d’économie industrielle.
Le rythme d’apprentissage est de deux leçons hebdomadaires données à 19 h, après le travail de ces élèves et après les heures de classes des élèves titulaires de l’École par manque de place, les jeudis et les samedis pour la première année, les mardis et vendredis pour la première division. Les dimanches, sont organisés, de 9h à 10h, des exercices pratiques. La première année comprend 52 leçons généralement assurées par les répétiteurs et surveillants des études (Auguste Ferrand, au début). Pour la seconde année, les élèves ont la chance de bénéficier des cours des professeurs Antoine Jabin, Charles Combes, Émile Clapeyron…
Des cours inadaptés
Les cours sont facultatifs et suivis de façon très irrégulière, mais les plus assidus des élèves peuvent passer un examen et obtenir le brevet de troisième classe. Les délibérations du Conseil pour l’établissement du classement et la désignation des prix ont généralement lieu le 14 août. C’est le même principe qui précède la cérémonie de remise des prix pour les élèves de l’École des Mineurs. Malgré cet avantage, peu de candidats se présentent à l’examen : ils ne sont que 4 en 1839, aucun en 1846. Il faut donc en conclure que ce n’est pas la qualification qui est recherchée, mais des compléments de savoir, dans une ville où il n’y a même pas de lycée. Ainsi en 1833, les trois premiers élèves de la division sont serrurier, commis et passementier, il s’y trouve également des cultivateurs, des tailleurs…
Mais est-il étonnant que des mineurs ne soient pas enthousiastes à aller se perfectionner après 10 ou 12 heures au fond des mines ? D’une manière générale ces cours, et, quelle que soit la formule, ne sont pas une réussite. Le nombre d’élèves diminue souvent de moitié au cours de l’année, beaucoup ne suivent que la première année et surtout d’une année sur l’autre, les effectifs se réduisent. D’autant que l’offre éducative s’accroit : en 1842, la ville de Saint-Étienne ouvre un cours de chimie dans de beaux locaux, professé par Claude Janicot, ancien élève et préparateur de chimie de l’École des Mineurs. Les Frères de la Doctrine chrétienne développent eux aussi un enseignement plus proche des attentes des ouvriers stéphanois. Enfin, la création de l’École des Maîtres-Mineurs d’Alais, dirigée par Jules Callon, jusqu’alors professeur à l’École des Mineurs de Saint-Étienne, apporte à ces élèves une plus grande visibilité aux yeux des employeurs.
Une nouvelle tentative
En 1848 et les années suivantes, les membres du Conseil de l’École ne reconduisent pas les cours pour la classe ouvrière, vu le peu de personnes qui semblent intéressées. Mais le 27 mars 1851, le Conseil central des Écoles des Mines dénonce cette entorse au règlement de 1831 et demande le retour du dispositif. Le directeur Roussel-Galle explique la situation par la contrainte imposée par la garde nationale et rappelle qu’il manque de personnel. De nouvelles dispositions sont prises : l’École se rapproche des exploitants de mines afin d’obtenir leur coopération pour envoyer de jeunes ouvriers ayant les aptitudes à suivre les cours, qui deviennent tous obligatoires. Cette nouvelle formule ne réussit pas mieux à séduire les ouvriers. On comprend peu à peu que l’enseignement technique doit se faire dans des écoles professionnelles en formation initiale.
Une école des maitres mineurs prit le relais 40 ans plus tard, en 1893, à Saint-Étienne. Le directeur de l’École des Mines, Curières de Castelnau, fonde sur les fonds privés du Comité des houillères de la Loire, l’École des gouverneurs.
Références
Annonce de la création de l’école de la classe ouvrière par Roussel Galle, 8 novembre 1831
Extrait du règlement du 1831 portant création de l’école de la classe ouvrière
Louis Babu (1900) – L’Ecole des Mines de Saint-Etienne. Extrait du Bulletin de la Société de l’Industrie Minérale, 3ème série, tome XIV.
BACHE Pierre (2001) – De l’école des mineurs à l’école des mines, Histoire de l’école des mines de Saint-Etienne au XIXème siècle, La Diana.
Brève rédigée par Rémi Revillon, historien, et Hervé Jacquemin (EMSE)